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Les informations de cette rubrique


Cette rubrique intitulée "Mytérieux vin jaune" vous propose des articles relatifs aux particularités de ce vin. Son histoire, ses légendes, les secrets de son exceptionnelle longévité.

Géographie, climat et histoire


Le Vin Jaune est élaboré en France dans l’un des plus petits vignobles de ce pays viticole, le Jura. Celui-ci s’étire sur une distance de 80 kms, principalement dans le Revermont, c’est-à-dire le pied du premier plateau quand on aborde le massif jurassien depuis la plaine de la Bresse Bourguignonne.
C’est aussi l’un des plus originaux de par la diversité de ses produits et le caractère rare voire unique de certains d’entre eux comme le vin de paille ou celui qui nous intéresse particulièrement, le Vin Jaune.
Le climat jurassien de type semi continental fait craindre les gelées d’hiver et surtout de printemps. Les variations climatiques peuvent influencer sur la production dans des proportions considérables d’une année sur l’autre. Par exemple on produisit 17719 hl en 1981 contre 83426 hl en 1982. Toutefois, l’orientation générale à l’ouest et au sud-ouest dans les reculées offre un bon ensoleillement et des vendanges de qualité.
L’élaboration du vin jaune est associée à la culture du savagnin et aux abbesses de Château-Chalon, dont l’abbaye fut fondée au VIIème siècle. Elles en avaient fait leur spécialité. On raconte que les plaisirs de la chair leur étant interdits, elles reportèrent alors leur amour sur le vin.
Le fait que le vin de Jérez et le Tokay hongrois, qui sont tous deux issus de vinifications sous voile, aient une certaine parenté de goût avec le Vin Jaune, a accrédité les hypothèses imaginant les abbesses, originaires de lointaines contrées, important les boutures dans leur bagages et les recettes dans leurs livres d’heures. On peut préférer ces explications romanesques à l’inévitable légende matérialiste qui attribue la découverte du Vin Jaune au hasard et à un vigneron qui, ayant abandonné un vieux fût au fond de sa cave, aurait, bien des années plus tard, découvert la merveilleuse métamorphose de son vin.
D’après l’historien Jurassien P. Grispoux, la dénomination « Vin Jaune » n’est apparue qu’au début du XIXème siècle. Gerrier le mentionne dans son « Mémoire sur l’état de l’agriculture du Jura » en 1822. Avant cette date, les écrits y font référence sous des noms divers tels que « vins de garde » ou « vins de gelée ». Néanmoins, certains textes laisseraient supposer que le Savagnin était déjà cultivé au XIIIème siècle.
En 1947, Louis Pasteur Vallery-Radot, petit fils du célèbre savant, dégusta en compagnie de l’écrivain François Mauriac un vin jaune de 1774.
Le général De Gaulle découvrit ce nectar en 1963 lorsque Louis Florin lui bailla quelques bouteilles de Vin Jaune de Château Chalon.
Dans les années soixante dix, débutèrent les premières études sur le Vin Jaune et l’analyse de ses composants. Malgré un certain nombre de travaux menés jusqu’alors, le Vin Jaune n’a pas livré tous ses secrets et suscitera encore de nombreuses recherches comme dans toutes régions viticoles.
N’oublions pas que c’est dans sa maison d’Arbois que le célèbre savant Louis Pasteur entreprit ses études sur le vin à partir de 1863.
En 1866, il écrit à propos du Vin Jaune :
« L’étude attentive de ce vin et de toutes les conditions de sa fabrication est une de celles qui m’ont le plus éclairé sur les propriété générales du vin ».

Jean Huet

 

Le vin jaune : voile et vin


Le vin jaune est un produit unique en France par son cépage, son mode de vinification, sa longévité, sa complexité. On pourrait même le déclarer unique au monde, s’il ne présentait une certaine parenté avec les xérès d’Andalousie ou le vin de l’oubli de Gaillac.
Ce vin est la plus noble expression du cépage savagnin. Localement appelé « naturé », de naturel, il pourrait être un lointain cousin du traminer. Jean Bauhin, botaniste comtois, affirme en 1650 :
« Ce raisin est des meilleurs, c’est celui que l’on choisit pour faire le meilleur vin d’Arbois. »
Un siècle et demi plus tard, le médecin arboisien Dumont, écrit :
« Tenu dans des tonneaux pendant dix à douze ans, le vin blanc élaboré à partir du raisin savagnin prend une couleur jaune dorée et acquiert l’agréable fumet des vins vieux de Madère ; il perd tout son sucré et prend en échange plus de vineux. Dans cet état, il est nommé vin jaune et captive l’estime des arboisiens. »
Les terres de prédilection pour la culture du savagnin sont les sols argilo-calcaires constitués principalement de marnes bleues que l’on trouve sur les pentes du Revermont, orientées sud sud-ouest. Il est vendangé tardivement (mi-octobre), sa grappe est petite, compacte, sa peau épaisse lui permet de résister aux variations climatiques automnales et d’atteindre une maturité optimale et une richesse en alcool de 12% minimum.
La vendange pressurée donne un moût sucré qui est traité selon les techniques de vinification en blanc, afin d’obtenir un vin très sec.  C’est alors que commence le processus de maturation défiant les règles de l’œnologie car contrairement aux principes en usage qui veulent que le vin remplisse complètement le tonneau pour éviter l’oxydation, le vin de savagnin est logé dans des tonneaux de 228 litres, ayant déjà contenu du vin jaune, qu’on ne remplit pas complètement (210 litres).
La transformation de vin blanc en vin jaune va durer six ans minimum en cave aérée.
Elle est liée :
-          Au développement à la surface du vin d’un voile de levures noir et brun taché de blanc, protégeant le vin de la piqure acétique (vinaigre) qui le rendrait impropre à la consommation.
-          Aux échanges avec l’air ambiant à travers le bois du fût sous contrôle du voile. Pendant cette période, les levures meurent et forment à la base du tonneau un tapis de lies dont le vin va se nourrir jusqu’à sa mise en bouteille.
Ce vin au nez complexe, aux arômes de noix, d’amandes, d’épices, de curry, de cire, de champignons surprend ceux qui le découvrent par sa puissance et sa longueur en bouche sans équivalence.
Il demeure capiteux et racé et demande une ouverture prématurée ou un service en carafe pour qu’il daigne s’exprimer à la température de dégustation de 14°.
Quelles énigmes se dissimulent encore derrière ce voile ?
Pour essayer de les découvrir, des historiens, des œnologues, des ethnologues continuent à se pencher sur ce mystère.
Un des plus éminents scientifiques, Louis Pasteur fit ses premiers travaux sur les vins du Jura.
De Lille, le 7 octobre 1855, il écrivait à son père tanneur à Arbois :
« Nous avons cette année à Lille, la rentrée solennelle des facultés. Nous nous proposons de donner un diner qui réunira les professeurs, les doyens, le recteur, le maire et probablement le préfet. Je désire faire boire à ces messieurs un des meilleurs vins de mon pays et je crois que je ne puis mieux faire que de leur donner un échantillon de Vin d’Or. »
 
Jean Huet
 
 

La futaille


Le vieillissement du vin jaune en fûts de bois est traditionnel. Il est le seul possible car il n’y a que le bois qui permette les échanges gazeux et l’évaporation nécessaires à l’élaboration de ce produit ainsi que son viellissement naturel. Le chataignier a pu être utilisé dans certaines caves sèches mais on évite de le conseiller. Sa porosité trop importante favorise les échanges avec l’air ambiant  ce qui accroit les risques de madérisation. La futaille de chêne donne de meilleurs résultats. Afin de réduire le gout de bois, on n’utilise que de la futaille déjà avinée c’est-à-dire ayant déjà servi pour deux ou trois vinifications. Pour la plupart, les fûts dans lesquels on entreprose le vin jaune viennent de Bourgogne. La pièce de 220 litres est la plus utilisée car le rapport entre le volume du vin qu’elle contient  et sa surface totale est tel que les échanges gazeux comme l’évaporation sont limités au juste nécessaire. L’épaisseur du bois est importante. L’usage de ce type de fûts assure un viellissement lent et régulier.
    
        
 
 

Un Vin Jaune d’Arbois de 1774


Un Arbois Vin Jaune de 1774 a été acquis en 1998 par Robert Aviet, le fondateur de la confrérie du Royal Vin Jaune. C’est une bouteille exceptionnelle qui provient d‘une grande famille vigneronne arboisienne : les Vercel.

Une enquête viticole datant de 1774, explique pour Arbois : « Le Savagnin, dit vulgairement le Naturé Blanc, le meilleur de tous [les plants], c’est avec ce plant que se fait le bon vin blanc de garde d’Arbois ».

C’est sous Louis XV qu’Anatoile Vercel (1725-1786) tailla ses vignes. Sous Louis XVI, en 1774, il récolta les raisins et les vinifia dans les caves de la maison Vercel. Cette demeure est située à Arbois, rue de Courcelles, face à la maison de Louis Pasteur. En cette année 1774, l’ouverture des vendanges (ou ban) est du à un arrêté du maire. Autrefois, le ban était déterminé non en fonction des cépages ou de la méthode de vinification mais en fonction des différents lieux dits.

Jean Claude Vercel (1767-1848) succéda à Anatoile. Les biens familiaux, dont les vignes et la cave, furent partagés entre les deux fils descendants : Jules Vercel (1819-1894) et Altin Vercel (1820-1901).

La bouteille de Robert Aviet, dédiée à la confrérie du Royal Vin Jaune, provient de la lignée de Jules Vercel, ami fidèle de Louis Pasteur.

A l’exposition universelle de 1867, les vignerons arboisiens organisèrent une exposition collective des grands vins d’Arbois. Cinq médailles d’argent et une de bronze furent décernées par le jury aux Arboisiens.

Jules Vercel obtint la première médaille d’argent pour un lot de 22 bouteilles dont cinq de Vin Jaune millésimés 1834, 1832, 1811, 1802 et 1774.

En 1889, à l’occasion de l’exposition universelle à Paris, Jules Vercel, avec son vin de 1774, obtint un diplôme d’honneur qui équivaut à la grande médaille. La longévité des vins d’Arbois impressionne.

Louis Pasteur, ami fidèle de Jules Vercel, interrogé par un journaliste à l’occasion de son élection à l’Académie Française, déclara que pour fêter l’événement avec ses collaborateurs, il allait ouvrir une bouteille de vin de 1774 de son Jura natal. Aujourd’hui encore, dans sa maison d’Arbois, est conservée une bouteille identique, presque vide, quoique sa fermeture soit restée intacte.

Altin Vercel détenait comme son frère, des bouteilles de 1774. Sa fille épousa le 27 juin 1883 Emile Grand. Au cours du repas de noce fut servi un Arbois Jaune de 1811 et un Arbois Jaune de 1774.

En 1923, à l’occasion des fêtes du centenaire de la naissance de Pasteur, le président de la République Alexandre Millerand, reçut en cadeau une bouteille de vin Jaune de 1774.

Deux bouteilles de la lignée d’Altin Vercel furent dégustées le 1er juin 1992 et le 13 novembre 1994. La dernière bouteille a permis de réaliser une dégustation qui amena entre autres ce commentaire : « Ce vin a résisté à l’emprise du temps et attend avec sérénité d’être redégusté dans un siècle. Un monument inaltéré… »

En outre, de multiples analyses furent effectuées. Le groupe d’étude du Vin Jaune a publié ses conclusions dans une plaquette « l’Abois Jaune 1774, dix ans après… ». Ainsi, l’étude chimique laisse à penser que le millésime 1774 a été très bon à Arbois. Par ailleurs, les études comparatives des différentes levures actuelles et anciennes permettent de conclure que les souches du 1774, bien qu’étant assez proches des levures actuelles sont toutefois différentes.

La présence non négligeable d’acides aminés, générateurs potentiels de composés aromatiques par voie chimique, expliquerait la bonne tenue du 1774. Alcool, acides aminés, levures, tout concourt à l’évolution lente et favorable des caractères organoleptiques de ce vin exceptionnel  au cours des siècles.

Philippe Bruniaux